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L'artiste en travailleur

C'est à la suite de cette expérience de femme de ménage sur un site industriel que cette question du travail, déjà latente dans ma démarche et devenue une préoccupation majeure. Été 2008, alors que l'on annonce la crise, je débute un emploi d'agent d'entretien sur un site industriel. Je ne devais y rester que le temps d'un été mais par un concours de circonstance, cette expérience s'est prolongée sur deux années. Il m'a fallu un certain temps avant de m’apercevoir qu'en tant que femme de ménage j'avais une position d'observatrice privilégiée de cet espace industriel. Alors plutôt que de subir cette expérience, j'ai décidé de me l'approprier. Mon lieu de travail est alors devenu un terrain de jeu propice à toutes les expérimentations plastiques. Ce processus s'est établi dans le temps après observation et adaptation à mon environnement de travail. J'ai récolté au fil du temps de la matière première : chutes et squelettes d'acier, photographies et vidéos, témoignages et ressentis sans savoir au préalable comment j'allais pouvoir les recycler dans mon travail plastique.













Du fait de la stricte interdiction de filmer ou de prendre des photographies dans les ateliers, j'ai du user de stratagèmes et filmer en toute discrétion. Mes vidéos et mes photographies témoignent alors de ma situation de femme de ménage, de mon regard et de ce en quoi j'avais accès, mon décor quotidien : les espaces vides des vestiaires, les cottes suspendus aux placards... Des détails qui signifient la présence de l'humain mais toujours par son absence et témoignent de la solitude résultant de cet emploi.
J'ai filmé tous les gestes que j'effectuais au quotidien, scotché ma caméra sur mon balai à serpillière afin de capter son mouvement répétitif et hypnotique et n'ayant l'autorisation de filmer dans les ateliers, j'ai dissimulé une caméra dans mon chariot de ménage afin de prendre la trace de mon parcours dans l'usine. Ainsi l'outil de travail est détourné de sa fonctionnalité première pour devenir
outil de création et d'expérimentation vidéographique. Cette vue du chariot n'offre pas une vision précise et didactique de l'espace de l'usine mais un regard subjectif. L'espace par le caractère organique et imprécis que lui confère cette vidéo devient alors sombre et inquiétant. Néanmoins le son entêtant nous rappel que nous sommes dans un espace industriel.







Cette vue du chariot est le continuum de la vidéo documentaire expérimentale intitulée « Vue du Chariot » réalisée entièrement sur le temps de travail. En surimpression de cette vue on me voit par instant bref au travail. Elle se donne à voir comme un poème visuel ou les mots et les images s'entrechoquent pour témoigner d'un ressenti personnel sur ma condition de femme de ménage , la solitude et l'invisibilité qu'il s'en rapporte. Le rythme lent de cette vidéo témoigne de la lourdeur et de la lassitude du travail qui doit être sans cesse répété.




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